Statut de Jérusalem: les mises en garde affluent vers Trump, dont celle du pape

Des Palestiniennnes manifestent à Gaza le 6 décembre 2017 contre la décision attendue du président américain Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme la capitale d'Israël (afp)

Les mises en garde, y compris celle du pape François, ont afflué mercredi à l'adresse de Donald Trump alors que le président américain s'apprête à prendre une décision historique en reconnaissant Jérusalem comme la capitale d'Israël.
"Je ne peux taire ma profonde inquiétude", a déclaré le pape lors de son audience hebdomadaire, "j'adresse un appel vibrant pour que tous s'engagent à respecter le statu quo de la ville, en conformité avec les résolutions pertinentes de l'ONU". Il a exalté "sagesse et prudence" devant le risque d'ajouter aux convulsions mondiales.
Le souverain pontife, venu à Jérusalem en 2014 lors d'une visite chargée de symboles, ne peut qu'accorder un intérêt tout particulier à la ville qui abrite les lieux les plus saints de trois grandes religions monothéistes, y compris le Saint-Sépulcre.
Sa voix n'est que l'une de celles à s'être élevées mercredi pour s'alarmer des conséquences possibles et du risque de violences causé par la question de Jérusalem, haut lieu de spiritualité mais aussi chaudron diplomatique.
Dans une intervention prévue à 18H00 GMT, M. Trump doit rompre avec des décennies de diplomatie américaine et internationale et reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël. A la différence d'autres présidents qui avaient fait la même promesse, il tiendra un engagement de campagne et ne fera là que reconnaître "une réalité" à la fois historique et contemporaine, a dit un responsable américain sous le couvert de l'anonymat.
Repousser cette reconnaissance "n'a, pendant plus de deux décennies, en rien aidé pour arriver à la paix", a-t-il dit.
Le locataire de la Maison Blanche ordonnera par ailleurs de préparer le transfert de l'ambassade des Etats-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem. Il ne fixera pas de calendrier pour ce déménagement qui devrait prendre "des années".
Dans un apparent souci d'apaiser les Palestiniens, M. Trump est prêt à soutenir "une solution à deux Etats" sans rien imposer à personne, a dit le responsable, alors qu'il s'est jusqu'alors, à la grande frustration des Palestiniens, gardé d'adhérer à l'idée d'un Etat palestinien indépendant, solution référence de la communauté internationale.
Les experts s'accordent à dire que les décisions de M. Trump ne devraient avoir qu'un impact diplomatique limité, et qu'elles n'engagent que les Etats-Unis. Mais la question de Jérusalem et en particulier de ses lieux saints est éminemment passionnelle.
Toute reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël est un casus belli pour les dirigeants palestiniens, qui revendiquent Jérusalem-Est, occupée puis annexée par Israël, comme la capitale de l'Etat auquel ils aspirent.
Les groupes palestiniens ont appelé à manifester à partir de ce mercredi.
La communauté internationale n'a jamais reconnu Jérusalem comme capitale d'Israël et considère Jérusalem-Est comme un territoire occupé. Israël proclame tout Jérusalem, Ouest et Est, comme sa capitale "éternelle et indivisible".
L'ONU a répété mercredi que le statut de la ville devait être négocié entre Israéliens et Palestiniens.
"L'avenir de Jérusalem est quelque chose qui doit être négocié avec Israël et les Palestiniens assis côte à côte dans des négociations directes", a dit l'envoyé spécial de l'ONU au Proche-Orient, Nickolay Mladenov, lors d'une conférence à Jérusalem.
Alors que chacun guettait sa réaction, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu est au contraire resté totalement silencieux sur le sujet lors de son discours au cours de la même conférence.
M. Netanyahu, à la tête du gouvernement considéré comme le plus à droite de l'histoire d'Israël, a aussi ordonné la discrétion à ses ministres pour ne pas attiser les tensions, selon les médias.
Plusieurs d'entre eux ont cependant salué l'augure, tel le ministre de l'Education Naftali Bennett qui a appelé d'autres pays à emboîter le pas aux Etats-Unis. Pour lui, "non seulement cette décision ne fait pas obstacle à la paix, mais elle constitue un pas spectaculaire vers la paix".
L'Autorité palestinienne, interlocutrice des Etats-Unis, d'Israël et de la communauté internationale, a pourtant prévenu que les Etats-Unis se discréditeraient comme intermédiaire impartial de toute entreprise de paix et que l'effort actuellement mené par les collaborateurs de M. Trump pour tenter de ranimer une dynamique moribonde seraient considérés comme terminés.
Le Hamas islamiste, deuxième force palestinienne ostracisée par une bonne part de la communauté internationale, a estimé que "toute les lignes rouges (étaient) franchies".
Le roi Salmane d'Arabie saoudite, grand allié de Washington, a prévenu qu'une telle décision risquait de provoquer "la colère des musulmans", tant Jérusalem, qui abrite le troisième lieu saint de l'islam (l'esplanade des Mosquées), est un cri de ralliement puissant pour les musulmans. La Turquie a brandi le spectre d'un "incendie" régional.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan compte réunir un sommet des dirigeants des principaux pays musulmans le 13 décembre à Istanbul. Les délégations palestiniennes et jordaniennes à la Ligue arabe ont demandé mercredi une réunion d'urgence des ministres des Affaires étrangères.
La Chine et le Royaume-Uni, deux membres permanents du conseil de sécurité, mais aussi la Syrie, ont joint leur voix au concert de réprobation.
Preuve de la tension que l'attente de cette décision suscite dans la région, les Etats-Unis ont interdit aux employés du gouvernement américain tout déplacement personnel dans la Vieille ville de Jérusalem et en Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël et contigu à Jérusalem.